Cadel Evans (AUS/BMC), 3e du général : « Notre objectif premier était de ne pas perdre de temps, ensuite d’éventuellement d’en gagner. Le fait qu’on était bien placé, presque dans la course pour la victoire, c’est quelque chose ! Les gars ont fourni un grand travail. On a travaillé en silence, dans notre coin, on s’est bien bien préparé. On a fait du bon boulot. »
Bradley Wiggins (GBR/Sky), 12e du général : « On a gagné du temps sur certains concurrents. C’est un départ magnifique, rien à voir avec le Tour de France l’année dernière. On voulait juste donner chacun le maximum, tout le monde de (Rigoberto) Uran à Simon Gerrans, les petits grimpeurs de l’équipe, ça a été une performance remarquable. »
Philippe Gilbert (BEL/Omega Pharma), maillot vert : « Ca me fait plaisir de voir Thor porter le maillot. Ce matin, je m’étais dit quitte à le perdre, autant que ce soit pour lui. On s’entraîne tous les jours ensemble (à Monaco), on dîne même ensemble. C’est bien, c’est sympa. On a limité la casse. On a tout donné. »
Andy Schleck (LUX/Leopard), 10e du général : « Je suis content du déroulement de la course. On a prouvé qu’on avait une équipe solide avec une bonne entente. C’est important quand on vise la victoire finale dans le Tour. On avait tellement de gars forts que dans la deuxième moitié du parcours je n’avais pas besoin de prendre les relais. Au classement général, on est devant plusieurs grosses équipes. C’est une bonne journée. »
Alexandr Vinokourov (KAZ/Astana), 27e du général : « Je pense qu’on a bien géré, on n’a que 32 secondes de retard sur les vainqueurs du jour. On a essayé de bien prendre les courbes dans le final, c’était difficile. L’idéal aurait été d’être dans le Top 5, mais je suis content, on a fait un bon chrono. Pour la suite, on le sait, le Tour de France commence souvent avec des étapes nerveuses où il faut éviter les chutes au maximum, c’est le cas cette semaine, et je pense que ce sera encore pire demain (lundi) avec le vent. »
Ivan Basso (ITA/LIquigas), 47e du général : « On attendait autre chose. On savait qu’on perdrait un peu par rapport à d’autres équipes mieux armées mais indéniablement, on a perdu trop de temps (15e à 57 secondes, ndlr). Par rapport à d’autres contre-la-montre par équipe dans le passé, il nous a manqué quelque chose, à moi y compris. Ca arrive d’avoir un mauvais jour dans un grand Tour mais moi et mes équipiers, on arrivera à montrer nos vraies capacités. Je ne dis pas que je vais attaquer tout le temps jusqu’à Paris mais je me prépare pour les étapes décisives. » (Avec AFP)
Tour après tour, la première semaine est leur open bar où ils se servent allègrement pour une belle fête de l’amicale des grosses cuisses. Cette année, les sprinteurs restent pour l’instant dans un coin du peloton, à regarder puncheurs et rouleurs s’amuser et danser sur les premières étapes. Leur heure arrive enfin ce lundi avec la première étape qui semble réservée aux sprinteurs, entre Olonne-sur-Mer et Redon. Et les occasions ne seront pas si nombreuses que ça sur un parcours semé de côtes. « On peut quand même espérer quatre - cinq victoires d’étapes sur ce Tour », compte déjà Mark Renshaw, poisson-pilote de Mark Cavendish, l’homme aux quinze bouquets en trois Tours. « Lundi, les équipes de sprinteurs ne devraient pas laisser leur chance ». Ce n’est pas le pont de Saint-Nazaire, répertorié comme la seule ascension du jour, qui devraient arrêter les sprinteurs de s’expliquer dans le final en courbe (arrivée visible à 250 m)...
Comme en 2010, Mark Cavendish débarque sur le Tour après un premier semestre loin d’être éblouissant. Lourdaud à la fin de l’hiver, le sprinteur de l’île de Man a attendu pour décrocher une ... Sur ce Tour, il pourra compter sur l’aide de Matthew Goss, sprinteur n°1 en puissance et vainqueur de Milan - San Remo. Face à lui, Tyler Farrar a lui aussi enregistré du renfort chez Garmin : outre Julian Dean, il profitera dans le final du travail du Maillot Jaune Thor Hushovd, qui garde ses ambitions pour les arrivées plus difficiles. Si l’inusable Alessandro Petacchi est toujours au rendez-vous, la référence du sprint devra également mater toute une série de néophytes du Tour de France, à commencer par l’Allemand Andre Greipel qui a quitté HTC pour tester ses ambitions chez Omega Pharma. Mais aussi le Russe de Katusha Denis Galymzianov ou le Britannique de Sky Ben Swift (5 victoires en 2011).
Avant même le final à Redon, le rapport de force entre les sprinteurs sera visible à Saint-Hilaire-de-Chaléons pour le seul sprint intermédiaire de l’étape, devenu cette année primordial dans la quête du Maillot Vert. Tyler Farrar avait clairement dévoilé ces ambitions en dominant celui de la première étape derrière les échappées. Mark Cavendish avait fait semblant de se jeter dans la bagarre avant de se relever. « Je pense que ce sera compliqué de s’adapter mentalement à ces sprints intermédiaires, estime-t-il. C’est tellement différent d’un sprint à l’arrivée pour la victoire. C’est dur de sprinter pour une petite place. » L’apparence d’un sprint massif, le parfum d’un sprint massif mais juste une distribution de points : le Cav’ ne goûte pas trop à ce Canada Dry du sprint. Il attend fermement l’ouverture du bar.
A. T.-C., aux Essarts
Combien de Tours à son compteur ? La question est rituelle. « 48 ou 49, je ne sais plus. » À 64 ans, Cyrille Guimard, mâchoire carrée à la Paul Newman, cheveux blancs clairsemés, est une légende de la Grande Boucle, un personnage référent. Consultant pour RMC, il a cumulé toutes les casquettes, couru cinq Tours, le temps de battre Eddy Merckx au Revard (en 1972), de diriger Van Impe (chez Gitane en 1976) puis Hinault, Lemond et Fignon sous les couleurs Renault. « C’est dans ce rôle, dit-il, qu’on se rappelle de moi. » Il fut aussi le directeur sportif éphémère d’Armstrong chez Cofidis, avant que l’affaire Festina ne jette un voile obscur sur le Tour. Pourtant, il revient chaque année avec la même passion. « Mais je préfère ne pas l’analyser sinon je la perdrais », souligne-t-il avant d’avouer que la présence de Contador le contrarie et l’affecte dans ses attentes. « Heureusement, j’arrive, dans mes commentaires, à me détacher de certaines choses, pour redevenir un vrai faux naïf... »
« À propos Contador, on l’a vu résigné, avant-hier, après la chute...
Et j’ai du mal à le comprendre. Quand on est vainqueur sortant du Tour, on sait que sur ce type de final il peut y avoir des gamelles, des cassures, que ça risque d’être chaud, alors, même s’il a été victime d’une spectatrice, les autres leaders étaient devant, pas lui. Mais ce qui m’a surpris, c’est qu’il ait abandonné aux Euskaltel le soin de mener la poursuite sans paraître concerné par son retard.
Les Basques (1) avaient une dette envers lui...
Et lui n’avait pas un Saxo Bank à ses côtés. Et dans la bosse, il n’a pas relancé, pas sprinté.
Comme s’il n’était plus là...
Il a peut-être laissé filer, considérant que ce n’était pas grave et que tout se jouerait en montagne, mais ce détachement est troublant chez un coureur qui a détruit psychologiquement Armstrong, il y a deux ans, et que l’on sait impavide et privé d’émotion, sauf lorsqu’il sort un pistolet symbolique sur les lignes d’arrivée.
Que faut-il en conclure ?
Qu’il est peut-être en train de payer cette charge de stress qu’il subit depuis deux ans, aggravée par ses démêlés procéduriers avec le TAS (Tribunal arbitral du sport), par les sifflets des Vendéens. Se sent-il rejeté ? Ça pourrait finir par le détruire. Chaque homme a ses limites sur le plan émotionnel. En tout cas, tout s’est passé comme si, d’un seul coup, toutes ses défenses s’étaient effondrées.
Croyez-vous en une sorte de justice immanente que le Tour rendrait sur sa route, comme pour clarifier les controverses qui l’entourent ?
(Il sourit) Je crois plutôt que le Tour, ce n’est pas le Giro. Il a une telle histoire, un tel impact sur le destin d’un champion qu’il finit par révéler ses faiblesses, ses fêlures, ses carences, alors qui sait si cet incident n’a pas rouvert chez lui des plaies mal cicatrisées ? En tout cas, il m’a paru déconnecté et comme désabusé. Maintenant, soit il se remet à flot, soit il ne finira pas le Tour.
Le voyez-vous abandonner ?
C’est une hypothèse, d’autant que Riis a parlé de porter réclamation. Contador, dit-il, aurait été gêné dans sa poursuite par une autre chute... Tout cela traduit une véritable anxiété, on les sent aux abois.
« Tant qu’on ne m’aura pas démontré
que le boucher est coupable... »
L’affaire Contador nous donne le sentiment qu’il n’y a plus d’état de droit. L’UCI semble débordée et le Tour, pour la première fois, est contraint d’accueillir un coureur contrôlé positif.
Toute cette affaire m’irrite parce qu’il n’y pas eu d’enquête sérieuse sur la filière de la viande bovine, et parce que les fourches caudines de la justice, qui ont tant fait progresser la lutte anti-dopage, deviennent paradoxalement une entrave à la découverte de la vérité. Le problème, c’est que les grands coureurs sont plus riches que l’UCI. Et puis, la politique s’en mêle. Là où la fédération espagnole réclamait un an de suspension, le chef du gouvernement, Zapatero, est intervenu pour dire qu’au vu du dossier, Contador n’était pas condamnable ! L’Espagne était, il est vrai, en période d’élections.
Cela dit, n’est-on pas trop dur avec Contador ?
Je l’avais admiré en 2009 dans sa cohabitation compliquée avec Armstrong. Maintenant, je suis comme Merckx, j’ai du mal à croire sa version. Et tant qu’on ne m’aura pas démontré que le boucher est coupable, je ne pourrai pas croire en son innocence.
Le public le conspue et le siffle sans ménagement. Doit-on pour autant craindre pour sa sécurité ?
On est en Vendée, dans le fief de Bernaudeau et Voeckler, les paladins d’un cyclisme à l’eau claire, et je sais bien que Merckx a reçu un coup de poing, jadis, dans le Puy de Dôme. Mais c’était un acte isolé, le seul dans toute l’histoire moderne du Tour.
On vous sent plein de réticences à propos de Contador. Même son Giro ne vous a pas totalement convaincu.
À cause de ses constants changements de vélo au pied des cols. Je ne peux pas m’empêcher, même à tort, de repenser aux polémiques autour de Cancellara au Tour des Flandres (l’an dernier), de procéder par déduction parce qu’on sait que le vélo à moteur existe et que là encore, on aurait pu, dû mener une étude à partir des images télé, chronométrer la puissance d’accélération, les watts, au moins pour chasser les doutes...
Son manager Bjarne Riis, « monsieur 60% », qui a confessé avoir gagné le Tour 1996 à l’EPO, aurait pu faire preuve d’éthique en exemptant Contador du Tour, et lui-même se serait refait une sorte de virginité...
(Il semble sceptique) J’ai dirigé Bjarne Riis chez Castorama mais l’équipier dévoué de Fignon, faisant preuve d’une abnégation hors du commun, n’est plus le Riis que l’on connaît, avec lequel, d’ailleurs, je n’ai plus de relation.
Plus aucune ?
Non. Depuis qu’il a recruté Andy Schleck à Roubaix (2), pour le faire courir avec la CSC alors qu’il était encore sous contrat avec nous et que je devais continuer à le payer. Tout cela sans un coup de fil ! Une forme de mépris que je n’ai pas acceptée. Andy venait d’être opéré à l’épaule, il n’avait pas fait une année complète, ni eu le temps de développer sa personnalité. Il s’est retrouvé, sans transition, englobé dans une masse de trente coureurs, déchargé de toute responsabilité, je ne sais pas si tout cela l’a servi.
Vous aviez prédit qu’il gagnerait le Tour.
Il aurait dû le gagner en 2008 à la place de Sastre. S’il avait été protégé chez CSC, sa fringale dans le Tourmalet n’aurait pas eu de conséquences.
Riis ne croyait pas encore en lui.
Quand tu penses avoir dans ton équipe un futur vainqueur, tu ne lui fais pas courir un Giro pour apprendre, comme il l’a fait en 2006. Andy fait deuxième, sans un équipier, là où il aurait dû jouer la victoire. Cela dit, Andy n’a pas la rage et n’aime pas les conflits. Après son bris de chaîne dans le port de Balès (sur le Tour l’an passé), il ne s’est pas rebellé, au contraire. Il a gagné l’étape du Tourmalet avec l’assentiment de l’Espagnol, qui est un coutumier du fait. À sa place, Hinault ou Fignon se seraient sentis trahis. Un Merckx aurait dit ??Ou c’est lui ou c’est moi’’ et aurait entraîné Contador dans un duel à la mort, comme avec Ocaña (en 1971) qui s’était d’ailleurs achevé par un « tout droit » de l’Espagnol dans la descente du col de Mente. » - Philippe BRUNEL
(1) Au Giro, il avait laissé Igor Anton gagner l’étape du Zoncolan.
(2) Guimard est aussi responsable de l’équipe Roubaix-Lille Métropole.